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dimanche 11 avril 2010

Frères, 2009


Je commençais à désespérer de me faire brasser et toucher par un film, enfin le réalisateur Jim Sheridan y est parvenu avec ce sensible et sobre ''Frères''. Une brochette de talents déjà solidement avérés, avec des noms comme Gyllenhaal, Portman et Maguire, présageait d'une belle complicité et de solides performances. Si le sujet à déjà, maintes fois, été évoqué par le cinéma américain, une autre incursion dans l'enfer de la guerre et ses effets dévastateurs sur les soldats est toujours nécessaire. Seul bémol en vue, il s'agit d'une relecture d'un film Danois, une manie que je déplore chez les américains de s'approprier les oeuvres pertinentes des autres pour les réadapter à la sauce nord américaine. Comme je n'ai pas vue cette version danoise, j'en ferai abstraction et je donnerai le bénéfice du doute à l'adaptation de Sheridan.


''Frères'' nous raconte la réalité d'une famille américaine dont le père le capitaine Sam Cahill part en mission en Afghanistan, laissant derrière lui sa femme Grace et ses filles Isabelle et Maggie. Toutes trois souffrent de l'absence de l'homme de la maison et attendent avec impatience son retour. Un jour, des soldats viennent annoncer à Grace la mort de son mari. Malgré sa tristesse, elle tente de poursuivre une vie normale, appuyée par le frère de son époux, Tommy. Sam a par contre survécu à l'écrasement de son hélicoptère et est récupéré par des troupes ennemies en plein désert. Pendant qu'il subit d'inimaginables souffrances, sa femme s'attache de plus en plus à Tommy et reprend un rythme de vie plus équilibré. Mais tout bascule lorsqu'on lui apprend que Sam est vivant et qu'il revient à la maison. Heureuse de revoir son mari, elle comprend rapidement que la guerre l'a changé; il est maintenant plus agressif et suscite la peur chez sa famille.


La guerre est tellement encrée dans le paysages américains et depuis tellement longtemps que ce type de films, bien que récurrents, sur le sujet douloureux de la guerre, deviennent nécessaires pour exorciser un mal qui ronge une nation entière et saigne sa jeunesse. Il n'y a qu'à faire un tour de l'autre côté de la frontière pour comprendre à quel point les américains sont patriotiques et appuient leur effort de guerre. Partout, ce n'est que messages d'encouragement aux ''G.I'', drapeaux américains qui flottent, messes en l'honneur des morts au front, etc... L'Afghanistan est un combat qui les dépassent, un combat perdu d'avance qui ne fait que coûter la vie à des jeunes gens, qui pensent défendre leur patrie en portant la guerre dans des contrées lointaines qui vivent dans une réalité qui n'est pas la leur. Ils reviennent comme des zombies rongés par les images d'horreur qui se sont sournoisement imprégnées dans leur subconscient et ce n'est que par le biais de la thérapie et d'un suivi qu'ils réussiront, peut-être, à s'en sortir. Malheureusement, et c'est le cas du capitaine Sam Cahill ( Tobey Maguire), le choc sera trop grand et le retour difficile. Brutal, sera aussi l'impact sur sa famille , qui s'était acclimatée, tant bien que mal, à la perte du père et du mari et avait réussi à retrouver une certaine forme de stabilité grâce à la présence réconfortante du frère de Sam, Tommy ( Jack Gyllenhaal). Les rôles se sont, en quelque sorte, entremêlés pour ces deux frères. Tommy étant le rejet social, source de honte pour un père puritain et dur, et Sam, l'enfant prodigue, qui marche dans les pas du père, lui-même ex-militaire, qui va défendre la juste cause en Afghanistan, un héros modèle. Tommy, pensant son frère mort, décide enfin de prendre ses responsabilités et devient un pilier pour Grace ( Natalie Portman) et ses deux filles qui en viennent à l'aimer comme un père. Tandis que Sam, qui a subi les pires sévices mentaux et physiques aux mains des Talibans, revient du front en perte de repères avec une immense détresse psychologique. Il n'est plus le père aimant pour ses filles et le mari attentionné pour sa femme. Une confrontation est imminente, et elle sera dévastatrice pour sa famille et son frère, qu'il accuse d'avoir pris sa place. Rarement au cinéma, on aura assisté à un drame humain aussi sobre et près de la réalité; des émotions à fleur de peau qui donnent la chair de poule. Ces hommes durs et soucieux des apparences qui se laissent aller à des émotions fragiles et une sensibilité toute humaine. Un retournement de situation où la figure de héros tout puissant perd ses repères et sombre dans la déchéance, et l'autre, une loque humaine, profite malgré lui de cette absence circonstancielle, pour s'affirmer et se découvrir des aptitudes au contact de ces 3 femmes dans le besoin.

Ce film repose évidement sur la qualité de ses acteurs qui remplissent la tâche avec finesse et passion. Tobey Maguire nous montre qu'il sait faire autre chose que jouer les super-héros. Sa métamorphose sera progressive et totale. De bon père de famille responsable et héros de guerre irréprochable, il ira choir à l'autre extrême, dégringolant les échelons progressivement, jusqu'au ''bad trip'' final. Il perd sa contenance et son aplomb tant les souffrances inhumaines qui lui sont imposées par ses geôliers Talibans heurtent sa force d'âme et son corps. Il reviendra métamorphosé d'une guerre qui n'est plus la sienne, avec un corps émacié, des yeux hagards et une sourde rage qui ne demande qu'à exploser. Tout le contraire de son frère, interprété par l'excellent Jack Gyllenhaal, qui représente avec Maguire la nouvelle garde du cinéma américain. Une solide performance, toute en retenue, où seuls les yeux témoignent des bouleversements intérieurs. Natalie Portman joue une mère digne qui doit garder contenance et s'occuper de ses deux jeunes filles, elle est bouleversante d'authenticité. Ici, aucun mélodrame en vue, juste des émotions vraies et normales, comme souvent, en de telles circonstances, le deuil peu prendre du temps à s'installer, passé le choc initial. Une mention spéciale aux deux jeunes actrices: Bailee Madison et Taylor Geare, à qui on a donné des mots d'enfants et des personnalités enfantines normales, ce qui ajoute crédibilité aux dialogues et qui a permis une scène mémorable, où les fillettes confrontent leur père.


Malgré de nombreux films sur les atrocités de la guerre, dont les extraordinaires: ''Deer Hunter'', ''Platoon'' et peut être aussi ''Dans la vallée d'Elah'', on constate que les mentalités ne changent pas vite et que les États-Unis hébergent un peuple guerrier, fier de cette tradition militaire. Des jeunes soldats, mal préparés et endoctrinés, partent semer la mort dans des conflits qu'ils ne comprennent pas, pensant agir pour le bien de leur pays qui n'est aucunement menacé par les peuplades aux moeurs ancestrales d'Afghanistan ou d'Irak. Ce film fera peut-être réagir, et souhaitons que des instances soient mises en place pour le ''débriefing'' des hommes et femmes qui reviennent heurtés et incomplets d'une guerre inutile.


Cinéma Critique donne un Excellent: 8/10

lundi 5 avril 2010

Clones, 2009

Nous voici devant un film de ''fast-food'' cinématographique comme Hollywood les aime : rapide, simplet et payant. Une autre histoire d'avatar de l'homme, cet être humain qui semble se diriger, à toute allure, vers un futur où vivre sa propre vie, en chair et en os, devient obsolète. Le grand écrivain de science-fiction, Isaac Asimov, décrivait déjà ce mode de vie agoraphobe, dans les années 50, avec son excellente saga: ''le cycle des Robots'', qui a inspirée ''I, robot'' (2003), d'Alex Proyas. À l'instar du film de Proyas, ce ''Clones'' de Jonathan Mostow ( terminator 3 ), met en scène des robots, guidés à distance par des humains et non des clones, doubles génétiques en tissus biologiques, le titre en anglais ''Surrogates'' est plus approprié.



''Clones'' est un film de science-fiction, d'après les personnages de la bande-dessinée: ''The Surrogates'' créés par Robert Venditti et Brett Weldele. Dans un futur rapproché, les gens vivent leur vie à distance, dans la sécurité de leur foyer, grâce à des clones robotisés. Représentations idéalisées, réalistes ou fantaisistes d'eux-mêmes. C'est un monde idéal, en apparence, où la peur, la douleur, les activités criminelles et leurs conséquences n'existent pas. Quand le premier meurtre à survenir depuis plusieurs années vient ébranler la paix, l'agent Greer du FBI (Bruce Willis) découvre alors qu'une conspiration se cache derrière le phénomène du clonage et doit donc, au péril de sa vie, abandonner son propre clone afin d'élucider le mystère.



Le sujet est quand même d'actualité, à la vitesse inouïe avec laquelle progresse la technologie en ce 21ème siècle, il semble que les innovations tendent à isoler les êtres humains les uns des autres, tout en les rapprochant, plus que jamais, virtuellement. Je suis friand de science-fiction quand celle-ci reflète un avenir possible et crédible. Ce film, trop court (1h28), manque de développements, peu d'éclaircissements sur les clones robotiques, pas de survol planétaire; est-ce que le tiers-monde a les moyens de se payer ce genre d'innovation? Une réalité unilatérale, qui montre uniquement, encore une fois, le mode de vie de la classe moyenne supérieure américaine d'un côté et les pauvres et crasseux contestataires dans leur ghetto, de l'autre. De nombreuses invraisemblances : le reste de la technologie humaine semble dépassée et figée; comme si elle n'avait pas suivi le même chemin évolutif que ces clones parfaits. Il n'est pas fait mention, non plus, du prix de telles unitées qui devraient être le lot exclusif des très bien nantis. De plus, quel serait donc l'intérêt de posséder un double s'il ne s'acquitte pas de la sale besogne et du travail à notre place? En effet, ces androïdes doivent être contrôlés en tout temps, ce qui ne laisse pas leurs propriétaires libres de faire ce qu'ils veulent! Le film oscille entre l'action et la lenteur mais pas une lenteur introspective du genre ''Blade Runner'', une lenteur ennuyeuse où un couple en perte de vitesse, tente d'éviter la douleur de la perte d'un enfant en se réfugiant dans cette technologie qui les éloignent de la prise de conscience et des remises en question. Une morale prévisible, qui n'émeu qu'à moitié, sur les dangers des dérives scientifiques, qui peuvent nous isoler de notre vraie nature. De toute façon, qui rêverait d'abandonner une merveille absolue comme le corps humain pour revêtir une enveloppe cybernétique, pâle copie de son modèle original? Infirmes et malades peut-être...? Si l'esthétisme du film est réussie et les effets spéciaux à la hauteur, cet univers de demain peine à convaincre de sa crédibilité. À travers une enquête qui ne lève pas et des scènes d'actions mollassonnes, le film de Jonathan Mostow se cherche une identité et nous, une raison de rester accroché.




Bruce Willis est décidément en perte de vitesse et ce film ne l'aidera pas à reprendre de l'altitude. Ce n'est pas les traits lisses et sans émotion de son double robotique qui nous le rendront plus attachant, ni son histoire d'amour pathétique avec sa femme. On aurait voulu des ''flashs-backs'' de sa vie passée qui auraient aidé à la compréhension de son drame conjugal; une mise en contexte et plus d'élaborations sur la perte de son fils. Le bon vieux Bruce: humain, banal et dur à cuire avec une répartie assassine, comme dans ''Die Hard'', nous aurait suffit. Sa femme Maggie (Rosamund Pike) , femme fatale idéalisée et épouse parfaite, grâce à son robot, elle vie coupée de ses émotions, dans un simulacre de réalité en compagnie d'autres clones qui semblent se complaire dans la luxure et l'inaction. Elle fuit sa vraie nature à l'aide de pilules et d'une immersion complète dans sa double vie. Interprétation correcte, qui, à cause du personnage, ne laisse pas grand place aux nuances et au talent de l'acteur. Il en va de même pour les autres : l'agent Peters( Radha Mitchell), le docteur Lionel Canter (James Cromwell) ou encore le chef des anti-clones, le prophète ( Ving Rhames), tous sans profondeur, mal dégrossis, des personnages secondaires sans saveur.




Jonathan Mostow, détenait une matière fascinante pour son film: les questions éthiques inhérentes aux réalités virtuelles, au clonage ou même à la robotique sont nombreuses et riches en débats sulfureux potentiels. Il se contente de livrer un produit moyen, expéditif et linéaire, sans rentrer dans les véritables enjeux qui l'auraient engagés dans un processus de réflexion sans doute trop exigeant et peu commercial. Bref, ''Clones'' est relégué au rang des ''séries b'',vite ingurgitées et digérées et aussitôt oubliées.



Cinéma Critique à longuement réfléchi et hésité entre passable et moyen: un 6/10, un peu sévère!