Pages

lundi 1 février 2010

Malajube-Labyrinthes

Malajube nous égare dans son labyrinthe étrange et merveilleux, un univers complexe de sonorités rock-progressives, qui sonne comme rien d'autre au Québec. Julien Mineau et sa troupe nous entraîne, encore une fois, dans des contrées musicales avant-gardistes, qu'il va falloir déchiffrer soi-même, si on veut en comprendre toute la portée. Ce troisième effort de la formation de Sorel est, à mon avis, le plus mature et le plus travaillé. Disque dédié à la mémoire du père de Mathieu Cournoyer, beaucoup plus sombre et touffu que ses prédécesseurs.

Évidement, une fois encore, la voix du chanteur et guitariste de Malajube, déconcerte. On aime ou on comprend pas, de toute façon cette voix off, c'est leur marque de commerce et ça fait parti de leur son. Personnellement, j'adore cette façon originale de chanter, de susurrer des textes à l'oreille, comme pour guider l'auditeur à travers les compositions musicales très denses du groupe. Cette voix et les textes gothiques et incantatoires qu'elle murmure pave le chemin du dédale et en décode le fonctionnement.

À la lecture du livret de l'album de Malajube, on tombe sur des paroles et des dessins illustrés par Mineau lui même. Ursuline, nous montre une vierge noire couronné de croix inversées et tenant sous sa robe des âmes déchues. Voilà une entrée en matière assez intrigante et sinistre, avec des textes comme:'' Aucun homme ni aucune religion/ Ne viendront sous ma robe / Pour brûler en enfer''...On comprend rapidement pourquoi les paroles sont savamment incrustées, voir dissimulées dans la chanson. On finit quand même par très bien les entendre après plusieurs écoutes.

Il ressort de Labyrinthes une thématique très sombre, comme de la magie noire, où il est beaucoup question de sang: sang qui se vide, lèvres qui se sèvrent de sang noir, sang cramoisi. Par contre, la musique n'est pas nécessairement là pour appuyée la noirceur des textes, certaines envolées sont plutôt joyeuses et lumineuses.



Ursuline, ma pièce préférée, commence doucement, par un doux piano pour entreprendre un rythme plus rapide à la sonorité très années 70 qui rappelle un Meddle de Pink Floyd. Chaque fois que Julien finit son couplet, le tempo change pour laisser place à de furieuses explosions de drum de l'excellent Francis Mineau, frère du chanteur. J'adore ce titre planant, avec des coeurs fantomatiques et des solos de guitare archi-progressifs.


Porté disparu, premier extrait disponible pour les radios. Un excellent titre indie-rock, plus pop et accessible, avec les textes les plus longs de l'album. Il y est question de quelqu'un qui fuit volontairement sa vie. Probablement une personne en phase terminale, qui aimerait bien qu'on la débranche: '' Mes médicaments m'empêchent de voir la magie/ Mes médicaments m'empêchent de finir ma vie''. Un titre très fort sur l'album, au tempo rapide, où Julien chante clairement et les paroles sont, pour une fois, la base de la chanson et non pas la musique.



Presque joyeux, Porté disparu est le tire qui, avec Luna, est le plus accessible et qui nous rappelle l'album précédent, Trompe l'oeil. Luna, deuxième extrait de Labyrinthes, une joyeuse ritournelle où les '' Pa pa da pa da pa da'' de Mineau, font écho à une musique légère, avec un joli piano, le tout nous fais penser à Dumas.


La suivante, Casablanca, est la plus étrange car elle oblique du tout au tout , sans transition. Le début fait penser à de la musique tropicale, avec une joyeuse ritournelle de la voix haut perchée si caractéristique de Malajube, puis, sans avertir, un clavier gothique mortuaire vient haché net ce délicat refrain. Fessant place à un crescendo de guitare et de drum enragé, presque métal.


333, probablement, à mon goût, la deuxième meilleur de l'album. Un titre très intriguant, une numérologie satanique? 666 divisé en 2 ?ou 333 qui représente la divinité par opposition à 666 qui serait le désir de l'homme de s'y superposer...Les paroles abondent en ce sens:'' On loue nos esprits, on voudrait vivre à l'infini''. Place à la musique, les paroles de Julien sont carrément déconstruites, tissées comme une texture musicale, un instrument à cordes vocales. Le clavier de Thomas Augustin et la basse de Mathieu Cournoyer sont à l'honneur. Appuyé d'un constant pilonnage de batterie avec des roulements impressionnants, véritables salves défoulatoires. 333, énergie délicate et belle poésie:'' Nos lèvres se sèvrent de sang noir''. Faut le faire au Québec, des paroles aussi personnelles et singulières!

Les collemboles, un titre que j'aime moins.Le synthétiseur me fait penser à la musique des dessins animés de ma jeunesse. Une chanson joyeuse, pleine d'énergie, à la finale épique et disjonctée où ragent les instruments sur un tempo saccadé où perce, une...flûte? Qui sait, pour la postérité, un collembole, c'est un insecte très vieux. Les Collemboles constituent (avec les Acariens) un groupe fondamental de l'écosystème du sol par leur action mécanique de microfragmentation et leur rôle biologique de saprophage( blablabla). Hérésie, plus un intermède musicale qu'une véritable chanson, marque une pose et une transition vers la très jolie balade Dragon de glace.


Cette délicieuse balade possède un charme exquis, avec ses paroles enfantines et amoureuses:'' Tu déambules devant moi sur les dunes, tu m'envahi/ Je t'en supplie, ne me laisse pas seul ici/ comme un glaçon dans la pluie''. Jolie musique, chanter vraiment cette fois, par Mineau, avec une voix traînante qui insiste sur la finale de chaques couplets. Des ''haahatatahamha'' très pop. Dragon de glace, possède la riff de guitare électrique la plus mélodieuse et accrocheuse de l'album, qui surgit de nulle part au milieu du titre.

Le tout- puissant, une autre balade toute en douceur. Un départ du genre d'Étienne d'août de l'album Trompe-l'oeil, change rapidement pour une intonation plus rapide avec des passes presque funky, qui appuient le chant très lent, comme une litanie. J'aimais mieux le départ de la chanson et ses notes de guitares aériennes, son drum minimal. Bel écrin pour la poésie des paroles:'' Laisse couler ta salive/ Laisse parler ton coeur/ Tous les gens que tu aimes/ Finiront par souffrir/ Si tu cries assez fort/ Que ta gorge explose''. La suite est plus convenue, mais reste à un niveau supérieur.
Cristobald, la dernière, un délire musicale où la voix est réduite à un lointain murmure ou gémissement étouffé, clos, avec brio et énergie cet album mature et atypique. Un ovni dans le milieu de la musique francophone du Québec. On comprend mieux pourquoi Malajube à des fans partout et qu'ils se produisent dans le monde entier. Longue vie à la musique made in Québec et aux gars de Malajubes les maîtres du labyrinthe!


Note de cinéma critique : 9/10





Aucun commentaire: