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dimanche 7 mars 2010

5150 rue des Ormes, 2009


Bon, me voici encore devant un thriller aux relents horrifiques. Un style qui devient, j'en convient, peu à peu, ma marque de commerce. Je promets d'écouter autre chose que des films de suspense dans un avenir rapproché. D'autant plus que celui-ci, décevant, ne vivra pas longtemps dans ma mémoire. Pourtant, la curiosité de voir une adaptation d'un roman de Patrick Sénécal, porté à l'écran dans une production ''made in Québec'', m'emplissait d'espoir et d'optimisme. Surtout avec l'excellent Marc-André Grondin et l'inquiétant Normand D'Amour au casting, ça promettait d'être une sacré virée en enfer!


5150 rue des Ormes, réalisé par Éric Tessier ( Sur le Seuil ), qui renoue encore avec l'oeuvre écrite de Sénécal. Cette fois c'est l'histoire de Yannick Bérubé ( Grondin), a vingt-trois ans, il étudie en cinéma et mène une vie pleine de promesses. Son malheur débute par une banale chute à bicyclette, devant le 5150 rue des Ormes où il demande de l'aide à un chauffeur de taxi, Jacques Beaulieu( D'Amour). Son univers bascule rapidement dans l'horreur, car suite à une découverte fortuite et incriminante pour la famille Beaulieu, Yannick sera séquestré de force. Or cette famille n'est pas banale , le père est un psychopathe qui ne jure que par le jeu d'échec et qui se prend pour le dernier des Justes ; Michelle (Mylène St-Sauveur) , l'adolescente, semble encore plus dangereuse que son père ; Maude (Sonia Vachon) , l'épouse et la mère, éprise de religion et soumise aveuglément à son mari. Quant à la petite Anne, elle est muette et ses grands yeux immobiles ressemblent à des puits de néant... Pour Yannick Bérubé, l'enjeu est simple: il doit s'évader à tout prix de cette maison de fous, sinon, il va y laisser sa peau...ou sa raison.



Comme je n'est pas lu le livre, je ne peux pas me prononcer sur sa valeur. Je ne ferais donc aucuns rapprochements entre les deux oeuvres, même si je perçois que sous forme de roman, cette histoire aurait plus d'impact. Pour un film qui se base sur la tension psychologique, l'effroi et l'appréhension quand au sort réservé au séquestré, je crois que Tessier maîtrise mal les techniques de ce genre cinématographique. Le babillage incessant de ce film trop bavard, réussit à étouffer toute peur et angoisse, déconnectant la tension chaque fois qu'elle tenait presque le spectateur. Pour une famille de psychopathes, les Beaulieu sont plutôt charitables , la mère est douce et aimante, la petite fille Anne est innocente et inoffensive. Reste le père et l'adolescente Michelle, qui sont capables du pire mais semblent néanmoins presque normaux, hormis leurs crimes. Dès le départ, ils font comprendre trop clairement à Yannick Bérubé qu'il ne lui veulent aucun mal et qu'il n'est qu'arrivé au mauvais endroit au mauvais moment. Cet aveux ainsi que la douceur avec laquelle il est traité par la famille, sauf peut-être Michelle, qui lui en fait baver un peut plus, fait retomber vite le stress de la situation qui devient, faute d'être dangereuse dans l'immédiat, plutôt ennuyeuse. Trop d'explications et trop vite filtrent au prisonnier, qui ne subit que peu de sévices et est convié à partager les repas de cette famille, dont il devient plus l'invité gênant que le kidnappé . On remarque aussi le peu d'efforts et la mollesse de Bérubé dans ses piètres et pathétiques tentatives d'évasion. Trop souvent les barreaux de sa cage s'entrouvrent sans qu'il ne tente quoi que soit. Le film de Tessier dérive vers le drame psychologique, puisque le personnage interprété par Grondin sombre dans une folie compulsive à une vitesse difficile à justifier par un petit huis clos de quelques mois, on a peine à le reconnaître. Encore là, il y a exagération quand à son état mental , étrange suite à une si courte incarcération et des contacts sociaux constant avec la famille. 5150 rue des Ormes aurait été mieux servit en dévoilant moins rapidement ses cartes, par plus de mystères, des sons étranges et inquiétants parvenant aux oreilles de Yannick au lieu de contact franc et direct avec son geôlier. La fin s'emmêle dans des invraisemblances et facilités de scénario qui ne correspondent pas à la logique de l'état d'esprit des personnages, c'est ''too much'' et très improbable.

Je pense que Normand D'Amour aurait pu en faire plus, conte tenu de son grand talent, il semble juste bizarre et obsessif , on le voit tuer mais il n'inspire que peu la crainte et la folie. La nature calme de son personnage et les relations qu'il entretient avec sa famille et son prisonnier contraste avec l'horreur absolue et glauque qui se tapit dans son sous-sol. Là le film parvient à choquer, c'est cru et digne d'un ''Seven''. Marc-André Grondin est assez faible, il en fait trop pour illustrer la détresse psychologique, essayant à tout prix de prouver son potentiel d'acteur, il surjoue et retire de la crédibilité à son personnage. Je n'est ressenti ni effroi ni sympathie pour son malheur, tant j'ai eu du mal à admettre son état psychologique. Son évolution se détériore trop vite, si bien qu'on se demande s'il n'avait pas déjà une pathologie latente. Son personnage est mal définit et mal compris par Grondin, qui peine à rendre crédible l'affrontement finale avec Beaulieu. J'ai du mal à me le figurer , je doute grandement que j'agirais comme lui, à sa place, c'est peu crédible et interprété avec excès et manque de retenue. Quant àMylène St-Sauveur , elle ne dégage pas grand chose, si ce n'est une légère pointe de sensualité. Son interprétation est improbable, ses motivations illogiques et tirées par les cheveux. Elle parais trop normale: elle va à l'école, elle à des amies, un chum et semble bien trop banale pour jouer les justicières tueuses en série. Surtout quand on considère l'horreur que son père bien aimé, fomente au sous-sol. Sonia Vachon est correcte dans le rôle qu'on lui à octroyé, elle se cantonne bien dans la naïveté et la soumission, son interprétation aurait gagnée à être plus développée. Je l'aurais préféré en digne émule de Katie Bates dans ''Misery'', où ses abords de gentillesse et de dévotion auraient pu cacher un intérieur sombre et torturé, dommage mais ce n'était pas dans le livre.


Tout ce talent potentiel, gaspillé par une faible direction, un scénario qui ne tient pas la route et qui donne au final un thriller franchement dégonflé. Le rythme est lent et on sent qu'on cherche à étiré une sauce finalement pas très épicée. Même la fin, trop ouverte et incohérente, déçoit. J'ai quand même écouté jusqu'au bout, j'ai été surpris par quelques revirements et je trouve l'ensemble assez sympathique. Normand D'Amour est un acteur de talent qui se révèle de plus en plus au Québec et Grondin n'est pas mauvais, on va lui donner le bénéfice du doute, après l'excellent ''C.R.A.Z.Y''. J'espère que les ''7 jours du talion'', la prochaine adaptation d'un livre de Patrick Sénécal, sera plus concluante.




Une Note de passage de Cinéma Critique: 6/10